Bricquebec, Palerme, Coutances (troisième et dernière invitation des Hauteville)


Bricquebec, Palerme, Coutances 
(troisième et dernière invitation des Hauteville)


Les Hauteville nous ont donc invités à voir un film à Bricquebec en septembre, à voir une exposition et à visiter leur palais à Palerme en octobre, et maintenant en novembre, ils nous ont conviés à écouter une conférencière à Coutances. Sans oublier Le beau repas en chansons et cette fois c’est l’association qui a invité les Hauteville. La famille ne se lasse pas de réécouter le très bel enregistrement de la chorale sur le blog.  Et voici le troisième rendez-vous avec les Hauteville.

Coutances : une conférence.  

Au mois de novembre cette fois les Hauteville et le Cercle de Généalogie et d’histoire nous invitent à Coutances pour écouter Mme Lucas-Avenel, LA spécialiste de Geoffroy Malaterra. Ce moine, à la demande du Grand Comte lui-même, fils de Tancrède et de Fressende, rappelons le a reçu la mission de « de faire connaître à la postérité ses triomphes, obtenus non sans peine et au prix de risques considérables » nous fait savoir l’auteure.
Sa traduction en langue française de l’œuvre écrite en latin, langue qu’elle enseigne à l’université de Caen est une    référence mondiale. « Histoire du Grand Comte Roger et de son frère Robert Guiscard.»  tel est le titre du livre paru aux Presses Universitaires de Caen en 2016. En fait il s’agit du premier volume qui comporte deux livres.(1) Le second ne saurait tarder.

 Allumez un bon feu de bois dans votre cheminée, versez-vous un petit calva. De derrière les fagots, Installez- vous confortablement et, je vous l’assure, vous passerez un moment délicieux. Ce livre est aussi une bonne idée de cadeau pour noël toujours avec une bouteille de calva… bio naturellement ! Les fans de la tablette pour une somme très modique peuvent également lire tranquillement la version numérisée.  


Les Hauteville avaient demandé à Madame Lucas-Avenel de venir aux Unelles nous parler des « Tancrède d’Hauteville » et plus spécialement de Robert Guiscard et surtout de Roger le Grand Comte. Je pense qu’elle a enchanté la centaine d’auditeurs présents dans la salle Barbey d’Aurevilly. L’association était bien représentée comme elle l’avait été à Bricquebec d’ailleurs. Sa manière de raconter l’histoire des événements qui ont émaillé la vie des deux frères m’a tenu en haleine et je n’ai pas vu le temps passer. La conférencière peut vous décrire la conquête de la Sicile vue par Malaterra presque heure par heure. Pour le chroniqueur, l’histoire de la conquête de la Sicile est simple. Les normands sont là guidés par le dieu chrétien pour chasser les infidèles de l’île. Il suffit de lire les journaux d’aujourd’hui pour voir les comptes rendus divergents d’un même événement selon l’orientation des journalistes.

Le destin que se sont forgé ces émigrants normands, ces meneurs
d’hommes que sont les Hauteville en Italie du Sud et en Sicile dépasse mon entendement. Ces deux émigrants terroristes me fascinent. Grâce à leur génie militaire et politique ils ont en une génération gravi tous les échelons de l’échelle sociale. On ne saurait toutefois passer sous silence le rôle des femmes dans cette ascension. Autant la lignée masculine des Hauteville descend directement du normand Tancrède et de ses deux épouses (ont-elles du sang breton ?), autant les femmes qui se marient avec les descendants assurent un grand métissage source pour les uns de contamination et pour les autres d’enrichissement du sang normand. Les enfants des Hauteville nous dit la conférencière, on les retrouve mariés avec une fille du roi de France, une du roi d’Angleterre, une du roi de Castille, un fils du roi de Hongrie etc… etc…que des beaux partis comme on dit. La lombarde Adelaïde del Vasto a sauvé la lignée normande en donnant un héritier arrivé juste à temps à son mari Roger le grand comte mais elle a contaminé le sang de la race selon le comte de Vigneral tandis que pour Luigi Scavini elle l’a enrichi du sang méditerranéen quant à Constance de Hauteville, née après la mort de son père Roger II, inventeur du royaume de Sicile a-t-elle vivifié ou contaminé le sang germain des Hohenstaufen ? 

Merci Madame pour cette excellente soirée chez les Hauteville. 

Louis, Jean-Pierre

PS : Les femmes savantes des universités normandes font honneur aux Hauteville. A Caen encore Mme Flambard Hericher a vu son travail sur SCRIBLA publié par l’Ecole Française de Rome et à Rouen, Mme Guèret-Laferté a traduit « YSTOIRE DE LI NORMAND » l’œuvre de Aimé du Mont Cassin.

Les deux portraits proviennent de Wikimedia France musée de Versailles

Peut-être un jour les trois universitaires mettront-elles à la disposition des touristes une édition en « livre de poche » comme l’a fait Pierre Aubé avec son bel ouvrage « Roger II de Sicile ».


Briquebec, Palerme, Coutances .... Suite



Après Bricquebec en septembre, les Hauteville nous invitent en octobre à Palerme pour voir une belle exposition sur le palais royal et visiter leur demeure fortifiée y compris les pièces qui n’étaient pas accessibles au public jusqu’à maintenant. Naturellement la chapelle palatine fait partie du circuit.


Palerme : une exposition.


En octobre cette fois, les Hauteville nous invitent à Palerme à voir une très belle exposition intitulée « Mostra Castrum Superius » et à visiter leur beau palais fortifié qu’ils ont  aménagé dans ce château supérieur (1) bien connu sous le nom de  Palais des Normands.

C’est Roger II  lui-même qui nous reçoit et nous guide. Une fois n’est pas coutume il fait rentrer ses invités par une porte qui se trouve du côté de la place du parlement et non par celle située place de l’indépendance de l’autre côté . Cette expo retrace «  la vie » du palais sous les normands depuis leur arrivée jusqu’à la fin de la dynastie. Notre hôte ne boude pas son plaisir quand il nous fait remarquer que l’école de Caen avec P. Bouet et  F. neveux , P. Bauduin et A.E. Musin est mise à l’honneur. Merci M le Pr. Henry Bresc membre du comité scientifique d’organisation. La carte de la conquête en noir et blanc de P. Bouet, en grande dimension nous accueille. N’oublions pas tous les autres savants qui ont mis la main à la pâte pour que cette expo soit une réussite. Et pour nous c’en est une.  Il y avait juste le nombre d’objets, cartes , manuscrits, reproductions en  3D qu’il fallait  et pas le déballage style foire de Lessay qu’on peut voir surtout dans les expos archéologiques. J’ai quand même fait remarquer à notre guide que la  page d’un  manuscrit exposé écrite en latin aurait mérité une traduction. Sinon  les explications
sont en italien et en anglais mais avec l’audioguide français pas de problème. Le roi vous recommande d’aller sur le net sur le site  castrum superius où vous trouverez  de  très bons articles en italien et les belles photos et vidéos sur le sujet. Les traductions en français sont très bien faites.Les Hauteville vous attendent jusqu’à  la mi-janvier peu-t-être même plus tard.


        Pour ma part je ne vous parlerai que d’une pièce qui se trouve habituellement au palais de la zisa. Il s’agit d’une stèle funéraire. Celle d’ « Anna, mère du prètre Grisanthe -Grisanto- morte en 1148 ». Ce prêtre semble bien connaitre le roi.Le texte de l’inscription est en quatre langues disposées autour d’une croix en opus sectile en  porphyre, serpentine et marbre blanc : hébraïque à gauche, latine en haut, grecque à droite, arabe(devinez ?) ». Voici un très bon site français pour en savoir plus sur cette stèle : « Une  œuvre, une histoire : Stèle funéraire chrétienne avec  inscription quadrilingue ».  Signalons simplement la date du décès d’ Anne exprimée dans les divers calendriers. Ainsi 1046 dans le calendrier latin correspond à 4904 dans l’hébraïque, 6658 dans le grec et 543 dans l’arabe. On ne peut que ressentir de l’émotion devant ce témoignage de l’époque de Roger II parvenu jusqu’à nous, incitation à  la   convivialité et à    la tolérance au moins pour les hommes de bonne volonté d’hier et d’aujourd’hui qui veulent vivre ensemble. A propos avez-vous en mémoire la conclusion  de la conférence de Mr André de  ziegler intitulée « Le Miracle Sicilien » prononcée en 1954 à Cefalu lors du VIII centenaire de la mort de Roger II. Sinon allez vite la lire ou la relire sur notre blog.

(1)    Il existe un château inférieur situé près du Port.


Nous sommes ensuite conviés à visiter la chapelle palatine puis les  appartements privés du roi.

La chapelle palatine : Quelques marches à monter et nous entrons  dans la chapelle personnelle du premier roi normand de Sicile, la chapelle  palatine.


Encore beaucoup « d’invités » en ce beau mois d’octobre sicilien mais rien à voir avec la cohue des mois d’été. Aussi nous pouvons tranquillement nous asseoir  et méditer tout en contemplant tranquillement  la décoration intérieure, magnifique feu d’artifice  célébrant la gloire de Dieu et la puissance du  Roi, dans le style de l’époque. Rappelons que ce vaisseau  a été voulu par Roger pour les fidèles de son temps  et non pour les touristes du XXI siècle. (1) Quel trait de génie ont eu les concepteurs  d’avoir réussi à faire cohabiter deux  décos totalement  différentes , l’une figurative , l’autre abstraite. Elles  divisent  en  deux   étages fictifs terrestre et céleste le pourtour de la chapelle. De plus les artistes mosaïstes ont peuplé le ciel de figures humaines, tandis que des maîtres en marqueterie ont habité la terre de figures géométriques. Si vous redressez la tête, s’offre à vous le fameux plafond islamique et si vous la baissez vous vous perdez dans les méandres des décorations du sol. Où les artistes trouvent-ils leur sources d’inspiration  pour célèbrer un dieu unique  sous des façons totalement différentes ? Chez les byzantins depuis la fin de la prohibition des images l’art religieux est redevenu  très figuratif tandisque l’art islamique est resté très abstrait. Le roi nous a  dit qu’il a donné au projet de cohabitation des deux esthétiques sa préférence. La chapelle est-elle  le reflet de la pensée du monarque : faire vivre ensemble dans son royaume ses  sujets qui vénèrent chacun à leur manière le dieu unique.? 


Dans cette grande arche, à la proue couverte de tesselles d’or les mosaïstes ont placé dans le cul de four de l’abside centrale  le pantocrator et au dessous la vierge Marie et un deuxième pantocrator entouré de toute une cour d’anges et d’archanges au sommet de la coupole l’abside. Cette seconde représentation m’apparait très « orientale », la première plutôt « occidentale ». Le roi nous confie qu’il est catholique romain mais que son peuple chrétien est catholique byzantin. La proue c’est la place du capitaine, du guide.

 La poupe c’est la place du timonier , celle de Roger. La déco toute




en symboles confère à cette estrade un aspect majestueux, solennel et illustre bien les lourdes responsabilités que porte l’homme qui nous fait l’honneur d’être notre  cicerone en ce moment. La décoration imaginée totalement différente en haut et en bas marque bien la réalité des  deux domaines, unis dans la pensée de l’époque. Regardez cette figure géométrique formée d’un triangle qui repose sur un quadrilatère divisé en  six carrés ; l’ensemble repose sur un portique (désolé pour la photo) fait de fines colonnes stylisées unies par des arcs en ogive.Ce ne peut-être que le palais du roi quant à l’octogone en porphyre logé dans le carré médian supérieur n’est-il pas la représentation symbolique du roi très chrétien ?  Pas  de dorures, que des panneaux remplis  de fleurs stylisées, pas de personnages à l’exception de   deux lions à la barbe bien fleurie comme celle de Charlemagne. Au dessus de lui on retrouve le Christ bénissant accompagné de Pierre et Paul. La décoration redevient ici habituelle. Curieux de voir révélé un être humain par une figure symbolique tandisque l’être divin est en chair et en os.


Devant cet ensemble décoratif trônait le roi et au dessus de lui le


christ bénissant, peut-être le bénissant, en face  de lui le pantocrator. La distribution des figures divines  et de l’octogone n’est pas aléatoire. Que pouvait  penser Roger lorsqu’il regardait de sa place le créateur de l’univers  ? La réponse ne peut être simple surtout si en filigrane derrière le Pantocrator se profile  la figure de  Saint Pierre donc celle du pape, son représentant sur terre. On ne discute pas le pouvoir de Dieu par contre celui du pape…surtout en Sicile à l’époque. Rappelons que la religion était un fait de société .

 Les panneaux à  motifs géométriques décorent «  l’espace terrestre » de toute la chapelle. « L’espace celeste » est habité par tous les personnages qu’on retrouve dans la Bible, le livre sacré. Je n’ose pas dire à Roger que J’ai toujours été attiré par les scènes représentant Eve et Noë. Eve notre mère à tous qui aimait tant  les serpents et Noë le sauveur de l’humanité qui aimait trop le vin rouge bio, heureusement!  Tous les individus sont appelés à jouer un rôle dans le plan de Dieu ou celui de L’homme suivant vos idées.



On voudrait emporter toute cette scénographie. Un dernier regard au fameux plafond «  islamique » de la nef. Appartenait -il déjà à la chapelle primitive ou à un bâtiment civil attenant à celle-ci ? Le roi m’a regardé mais n’a pas répondu à ma question.


  (1)    En huit siècles d’existence  la chapelle a subi quelques liftings. Le touriste que je suis parle donc de ce qu’il voit aujourd’hui comme si c’était la chapelle de Roger II.

(        (2)  Pardon mon Dieu j ai oublié qu’on entre chez vous aussi pour prier.


Le Palais royal : Quelques marches encore et quel bonheur de pouvoir musarder  dans toutes les pièces habitées par les Hauteville en particulier dans la salle de Roger II et dans la tour pisane dont l’entrée était interdite autrefois. On se croirait à la journée du patrimoine.

Le roi attend nos réactions c’est manifeste en nous faisant entrer dans la salle qui porte aujourd’hui son nom : salle Roger II. Les mosaïstes sont vraiment des maîtres . Ils excellent aussi bien dans l’art religieux que dans l’art profane. Nous sommes ébahis devant ce décor flamboyant. J’imagine le roi discutant avec un grand du royaume tout en marchant de long en large parmi ces arbres, ces lions, ces cerfs, ces paons , ces chasseurs immobiles, silencieux disposés de façon symétrique. Toutes les scènes ont une valeur symbolique. Je m’arrête un moment devant celle de la chasse , mosaïque des plus figuratives s’il en est et pourtant les arbres verticaux, les cerfs horizontaux, la voute hémisphérique , la symétrie tout est géométrie dans la construction. Le roi s’approche et nous rappelle que la vénerie était un art et  un excellent exercice d’entrainement à la guerre en  son temps.


Il nous parle de son grand-père et de sa grand-mère qu’il aurait bien voulu connaître pour   leur montrer le chemin parcouru par leurs enfants.


 Quelques marches encore et nous pénétrons dans la  tour pisane.
Autrefois à étages qui n’existent plus, elle apparait d’une hauteur vertigineuse. Malgré la disparition presque complète des mosaïques murales, sa mise en valeur grâce à la fée électricité donne envie de devenir président de la Région Sicile car c’est là qu’il reçoit ses invités à diner. Toutefois on ne peut s’empêcher de penser que c’est peut-être dans ce lieu que le  fils  du roi, Guillaume I a  vécu un des événements les plus dramatiques de sa vie.

 En sortant vous ne pouvez pas manquer tous ces touristes se déplaçant précautionneusement, le nez en l’air.
Une autre  tour vous attend, la tour Gioaria avec la salle des vents au  plafond en bois décoré de sa célèbre rose des vents mais là nous sommes à une époque plus récente comme dans la grande salle  du parlement de Sicile aux  murs ornés des travaux d’Hercule. Tout un symbole pour ces parlementaires siciliens. Notre guide nous rappelle que son père Roger le Grand Comte, a créé le  premier parlement de  Sicile mais il était itinérant à son époque. C'est avec émotion que j’ai regardé les deux dates incisées dans le bois de chaque côté de la porte d’entrée : 1130 et  1047.


Et pour terminer cette visite Roger II nous invite  à prendre  un verre dans les jardins du palais où tous les Hauteville sont réunis , même Fréderic de Hohenstaufen est là avec sa mère, fille de notre guide ne l’oublions pas. Par ce bel après-midi d’un mois d’octobre sicilien très ensoleillé quel plaisir de siroter un spritz à l’ombre d’un palmier-il fait 30°- en écoutant la  conversation très  animée de nos hôtes car chacun, à son époque, veut montrer qu’il a apporté une pierre, une tesselle, une marqueterie à l’édifice que nous venons de visiter.

Louis, Jean-Pierre. Prochain blog : troisième invitation des Hauteville.: Coutances