Après Bricquebec en septembre, les Hauteville nous invitent en octobre à
Palerme pour voir une belle exposition sur le palais royal et visiter leur
demeure fortifiée y compris les pièces qui n’étaient pas accessibles au public
jusqu’à maintenant. Naturellement la chapelle palatine fait partie du circuit.
Palerme : une exposition.
En octobre cette fois, les Hauteville
nous invitent à Palerme à voir une très belle exposition intitulée
« Mostra Castrum Superius » et à visiter leur beau palais fortifié
qu’ils ont aménagé dans ce château supérieur
(1) bien connu sous le nom de Palais des
Normands.

C’est Roger II lui-même qui
nous reçoit et nous guide. Une fois n’est pas coutume il fait rentrer ses
invités par une porte qui se trouve du côté de la place du parlement et non par
celle située place de l’indépendance de l’autre côté . Cette expo retrace «
la vie » du palais sous les normands depuis leur arrivée jusqu’à la fin de
la dynastie. Notre hôte ne boude pas son plaisir quand il nous fait remarquer que
l’école de Caen avec P. Bouet et F.
neveux , P. Bauduin et A.E. Musin est mise à l’honneur. Merci M le Pr. Henry Bresc membre du comité
scientifique d’organisation. La carte de la conquête en noir et blanc de P. Bouet, en grande dimension nous accueille. N’oublions pas tous les autres savants
qui ont mis la main à la pâte pour que cette expo soit une réussite. Et pour
nous c’en est une. Il y avait juste le
nombre d’objets, cartes , manuscrits, reproductions en 3D qu’il fallait et pas le déballage style foire de Lessay
qu’on peut voir surtout dans les expos archéologiques. J’ai quand même fait remarquer
à notre guide que la page d’un manuscrit exposé écrite en latin aurait
mérité une traduction. Sinon les
explications

sont en italien et en anglais mais avec l’audioguide français pas
de problème. Le roi vous recommande d’aller sur le net sur le site castrum superius où vous trouverez de très
bons articles en italien et les belles photos et vidéos sur le sujet. Les traductions
en français sont très bien faites.Les Hauteville vous attendent jusqu’à la mi-janvier peu-t-être même plus tard.
Pour
ma part je ne vous parlerai que d’une pièce qui se trouve habituellement au
palais de la zisa. Il s’agit d’une stèle funéraire. Celle d’ « Anna,
mère du prètre Grisanthe -Grisanto- morte en 1148 ». Ce prêtre semble
bien connaitre le roi.Le texte de l’inscription est en quatre langues disposées
autour d’une croix en opus sectile en porphyre, serpentine et marbre blanc : hébraïque
à gauche, latine en haut, grecque à droite, arabe(devinez ?) ». Voici
un très bon site français pour en savoir plus sur cette
stèle : « Une œuvre,
une histoire : Stèle funéraire chrétienne avec inscription quadrilingue ». Signalons simplement la date du décès d’ Anne exprimée
dans les divers calendriers. Ainsi 1046 dans le calendrier latin correspond à
4904 dans l’hébraïque, 6658 dans le grec et 543 dans l’arabe. On ne peut que
ressentir de l’émotion devant ce témoignage de l’époque de Roger II parvenu
jusqu’à nous, incitation à la convivialité et à la
tolérance au moins pour les hommes de bonne volonté d’hier et d’aujourd’hui qui
veulent vivre ensemble. A propos avez-vous en mémoire la conclusion de la conférence de Mr André de ziegler intitulée « Le Miracle
Sicilien » prononcée en 1954 à Cefalu lors du VIII centenaire de la mort
de Roger II. Sinon allez vite la lire ou la relire sur notre blog.
(1)
Il existe un
château inférieur situé près du Port.
Nous sommes ensuite conviés à
visiter la chapelle palatine puis les appartements privés du roi.
La chapelle palatine : Quelques marches à monter et nous entrons dans la chapelle personnelle du premier roi
normand de Sicile, la chapelle palatine.
Encore beaucoup « d’invités » en ce beau mois d’octobre sicilien mais
rien à
voir avec la cohue des mois d’été. Aussi
nous pouvons tranquillement nous asseoir et méditer tout en contemplant tranquillement la décoration intérieure, magnifique feu
d’artifice célébrant la gloire de Dieu
et la puissance du Roi, dans le style de
l’époque. Rappelons que ce vaisseau a été
voulu par Roger pour les fidèles de son temps et non pour les touristes du XXI siècle. (1) Quel
trait de génie ont eu les concepteurs d’avoir réussi à faire cohabiter deux décos totalement différentes , l’une figurative , l’autre
abstraite. Elles divisent en
deux étages fictifs terrestre et céleste le
pourtour de la chapelle. De plus les artistes mosaïstes ont peuplé le ciel de
figures humaines, tandis que des maîtres en marqueterie ont habité la terre de
figures géométriques. Si vous redressez la tête, s’offre à vous le fameux plafond
islamique et si vous la baissez vous vous perdez dans les méandres des
décorations du sol. Où les artistes trouvent-ils leur sources
d’inspiration pour célèbrer un dieu
unique sous des façons totalement
différentes ? Chez les byzantins depuis la fin de la prohibition des
images l’art religieux est redevenu très
figuratif tandisque l’art islamique est resté très abstrait. Le roi nous a dit qu’il a donné au projet de cohabitation
des deux esthétiques sa préférence. La chapelle est-elle le reflet de la pensée du monarque :
faire vivre ensemble dans son royaume ses sujets qui vénèrent chacun à leur manière le
dieu unique.?
Dans cette grande arche, à
la proue couverte de tesselles d’or les mosaïstes ont placé dans le cul de four
de l’abside centrale le pantocrator et au
dessous la vierge Marie et un deuxième pantocrator entouré de toute une cour
d’anges et d’archanges au sommet de la coupole l’abside. Cette seconde
représentation m’apparait très « orientale », la première
plutôt « occidentale ». Le roi nous confie qu’il est catholique
romain mais que son peuple chrétien est catholique byzantin. La proue c’est la
place du capitaine, du guide.
La poupe c’est la place du timonier , celle de
Roger. La déco toute

en symboles confère à cette estrade un aspect majestueux,
solennel et illustre bien les lourdes responsabilités que porte l’homme qui nous
fait l’honneur d’être notre cicerone en
ce moment. La décoration imaginée totalement différente en haut et en bas
marque bien la réalité des deux domaines,
unis dans la pensée de l’époque. Regardez cette figure géométrique formée d’un
triangle qui repose sur un quadrilatère divisé en six carrés ; l’ensemble repose sur un
portique (désolé pour la photo) fait de fines colonnes stylisées unies par des
arcs en ogive.Ce ne peut-être que le palais du roi quant à l’octogone en
porphyre logé dans le carré médian supérieur n’est-il pas la représentation
symbolique du roi très chrétien ? Pas de dorures, que des panneaux remplis de fleurs stylisées, pas de personnages à l’exception
de deux lions à la barbe bien fleurie
comme celle de Charlemagne. Au dessus de lui on retrouve le Christ bénissant
accompagné de Pierre et Paul. La décoration redevient ici habituelle. Curieux
de voir révélé un être humain par une figure symbolique tandisque l’être divin
est en chair et en os.
Devant cet ensemble décoratif trônait
le roi et au dessus de lui le
christ bénissant, peut-être le bénissant, en
face de lui le pantocrator. La
distribution des figures divines et de
l’octogone n’est pas aléatoire. Que pouvait penser Roger lorsqu’il regardait de sa place
le créateur de l’univers ? La réponse ne peut être simple surtout si en
filigrane derrière le Pantocrator se profile la figure de
Saint Pierre donc celle du pape, son représentant sur terre. On ne
discute pas le pouvoir de Dieu par contre celui du pape…surtout en Sicile à
l’époque. Rappelons que la religion était un fait de société .

Les panneaux à
motifs géométriques décorent « l’espace terrestre » de
toute la chapelle. « L’espace celeste » est habité par tous les
personnages qu’on retrouve dans la Bible, le livre sacré. Je n’ose pas dire à
Roger que J’ai toujours été attiré par les scènes représentant Eve et Noë. Eve notre
mère à tous qui aimait tant les serpents
et Noë le sauveur de l’humanité qui aimait trop le vin rouge bio, heureusement! Tous les individus sont appelés à jouer un
rôle dans le plan de Dieu ou celui de L’homme suivant vos idées.
On voudrait emporter toute
cette scénographie. Un dernier regard au fameux
plafond « islamique » de la nef. Appartenait -il déjà à la
chapelle primitive ou à un bâtiment civil attenant à celle-ci ? Le roi m’a
regardé mais n’a pas répondu à ma question.
(1)
En huit siècles
d’existence la chapelle a subi quelques
liftings. Le touriste que je suis parle donc de ce qu’il voit aujourd’hui comme
si c’était la chapelle de Roger II.
( (2) Pardon mon Dieu j
ai oublié qu’on entre chez vous aussi pour prier.
Le Palais royal : Quelques marches encore et quel bonheur de pouvoir musarder dans toutes les pièces habitées par les
Hauteville en particulier dans la salle de Roger II et dans la tour pisane dont
l’entrée était interdite autrefois. On se croirait à la journée du patrimoine.
Le roi attend nos réactions
c’est manifeste en nous faisant entrer dans la salle qui porte aujourd’hui
son nom : salle Roger II. Les mosaïstes sont vraiment des maîtres . Ils
excellent aussi bien dans l’art religieux que dans l’art profane. Nous sommes
ébahis devant ce décor flamboyant. J’imagine le roi discutant avec un grand du
royaume tout en marchant de long en large parmi ces arbres, ces lions, ces
cerfs, ces paons , ces chasseurs immobiles, silencieux disposés de façon
symétrique. Toutes les scènes ont une valeur symbolique. Je m’arrête un moment
devant celle de la chasse , mosaïque des plus figuratives s’il en est et
pourtant les arbres verticaux, les cerfs horizontaux, la voute hémisphérique ,
la symétrie tout est géométrie dans la construction. Le roi s’approche et nous
rappelle que la vénerie était un art et un excellent exercice d’entrainement à la
guerre en son temps.

Il nous parle de son
grand-père et de sa grand-mère qu’il aurait bien voulu connaître pour leur montrer le chemin parcouru par leurs
enfants.
Quelques marches encore et nous pénétrons dans
la tour pisane.
Autrefois à étages qui
n’existent plus, elle apparait d’une hauteur vertigineuse. Malgré la disparition presque complète des mosaïques
murales, sa mise en valeur grâce à la fée électricité donne envie de devenir
président de la Région Sicile car c’est là qu’il reçoit ses invités à diner. Toutefois
on ne peut s’empêcher de penser que c’est peut-être dans ce lieu que le fils du
roi, Guillaume I a vécu un des
événements les plus dramatiques de sa vie.
En sortant vous ne pouvez pas manquer tous ces
touristes se déplaçant précautionneusement, le nez en l’air.
Une autre tour vous attend, la tour Gioaria avec la salle
des vents au plafond en bois décoré de
sa célèbre rose des vents mais là nous sommes à une époque plus récente comme
dans la grande salle du parlement de
Sicile
aux
murs ornés des travaux d’Hercule. Tout un symbole pour ces
parlementaires siciliens. Notre guide nous rappelle que son père Roger le Grand
Comte, a créé le premier parlement
de Sicile mais il était itinérant à son
époque. C'est avec émotion que j’ai regardé les deux dates incisées dans le bois
de chaque côté de la porte d’entrée : 1130 et 1047.
Et pour terminer cette visite
Roger II nous invite à prendre un verre dans les jardins du palais où tous
les Hauteville sont réunis , même Fréderic de Hohenstaufen est là avec sa mère,
fille de notre guide ne l’oublions pas. Par ce bel après-midi d’un mois
d’octobre sicilien très ensoleillé quel plaisir de siroter un spritz à l’ombre
d’un palmier-il fait 30°- en écoutant la conversation très animée de nos hôtes car chacun, à son époque,
veut montrer qu’il a apporté une pierre, une tesselle, une marqueterie à
l’édifice que nous venons de visiter.
Louis, Jean-Pierre. Prochain
blog : troisième invitation des Hauteville.: Coutances